La crise... Quelle crise?

Publié le par ced

Est-il raisonnable de raisonner sur les crises du capitalisme ? Est il raisonnable de raisonner l'évolution d'un système irrationnel ? C'est un marxiste qui l'écrit, Paul Mattick, dans les années 1970 : « L’usine est aussi irrationnelle que l’économie globale, sauf si l’on admet que la recherche capitaliste du profit est un principe de production économiquement rationnel. » (*) Alors est-il raisonnable de raisonner l'irraisonnable ?

 

Il est utile de souligner les incohérences du système économique, les contradictions de la théorie, leurs concepts vides et les faux débats qu'ils engendrent et ainsi mettre en évidence que « la science économique » n'est rien d'autre qu'un amoncellement de formules sermonnées comme des lois sacrées par une secte qui dirige le monde et prétend le diriger encore. Il est vain d'en chercher une compréhension logique, ou pire, de réemployer ses croyances dans une optique révolutionnaire. Faire des spéculations sur ce que la science économique nous réserve pour l'avenir, comme si l'avenir ne devait dépendre que d'elle, comme si de ses contradictions et de ses postulats incroyables pouvaient surgir un système logique et prévisible, comme si les économistes étaient capables d'avoir des plans pour l'avenir, c'est une façon de rentrer dans cette secte de dangereux psychopathes en entrant dans leur mise en scène tragique où le travail n'a d'intérêt que dans le profit que l'on en tire.

La notion de crise et les expressions inadaptées et choisies pour faire peur et paralyser la pensée (dépression, tsunami, 11septembre de la finance,…) sont une fiction de plus, inventée par les économistes, pour tenter de sauver leur idéologie criminelle en cherchant à convaincre que le développement de la pauvreté qui prend des dimensions toujours plus inquiétantes n'est qu'un effet passager, lié à une dérive du capitalisme, provoquée par quelques abus ponctuels, quelques excès d'une poignée de spéculateurs zélés et de patrons voyous, alors qu'il s'agit au contraire de la conséquence directe de ce qui fonde la science économique depuis toujours: le vol.

Les classes dirigeantes ont besoin de donner des raisons à leur domination pour la maintenir. Comme il n'y en a pas, ils passent leur temps à inventer des théories fumeuses dans un langage abscons telle la « science économique » ou, avant, la Bible et ses interprétations. Les lois des économistes ne se fondent que sur l'observation des systèmes d'exploitation que l'humanité a subi jusqu'à aujourd'hui, elles supposent la résignation du genre humain à la servitude, elles ne sont pas plus rationnelles que celles de l'Église et ne dominent le monde que par leur capacité à s'imposer par la force et par le pilonnage permanent et intensif de la propagande. Comme disait Karl Kraus dans les années 1930, il s'agit pour eux de passer maître dans l'art de « faire passer la bêtise, qui a remplacé la raison, pour de la raison, de transformer l’impair en effet, bref dans ce que l’on appelait autrefois : abrutir. »


Lorsqu'on parle de système économique, on parle toujours de système d'exploitation, quelles que soient les écoles : le capitalisme qui se fonde sur le mensonge de « l'excédent », le marxisme qui se fonde sur le mensonge équivalent de la « plus value » et tous leurs composés dérivés : communismes et socialismes marxistes, social-libéralisme, keynésianisme, néolibéralisme, etc. Karl Marx a transformé la critique révolutionnaire de la science économique en critique économique du capitalisme. Sa critique vise non pas à remettre en cause le droit des capitalistes à voler les travailleurs, mais à contrôler ce vol en expliquant (en termes volontairement abscons) que si les capitalistes volent trop, alors il y a un moment où l'économie ne peut plus fonctionner.  La divergence historique entre les marxistes et les anarchistes, dont Bakounine, s'est faite sur d'autres points, dont la question de l'autorité. Mais il est chaque jour de plus en plus clair que les anarchistes ont eu raison de viser par leurs critiques la science économique toute entière, toutes tendances confondues et non uniquement le capitalisme.

Toujours, les économistes prétendent que le travail produit une quantité, un excédent ou une plus value que l'on peut mettre en circulation et donc arracher au travailleur. Toujours, les travailleurs se font dépouiller des fruits de leur travail au nom d'une science économique qui les écartent de la question de l'organisation pour ne s'intéresser qu'à celle des profits qu'ils pourront leur voler, alors que les travailleurs sont la base, le corps et la tête de l'organisation du travail.

Le postulat de l'excédent d'Adam Smith ou, sa petite soeur, la plus-value de Karl Marx sont des concepts tout aussi rationnels que l'immaculée conception de Jésus. Les économistes croient que tout travail dégage un excédent et, par suite, que l'argent fait des petits, baptisés par les marxistes « valeur du surtravail » mais pourquoi pas Jésus? Il est aisé de démontrer qu'une telle croyance n'est absolument pas rationnelle, prenons par exemple des critères scientifiques de démonstration expérimentale:

Plaçons dans un milieu confiné et dans des conditions favorables à la reproduction des êtres vivants (température, pression, ensoleillement, taux de CO2 dans l'air, éventuellement alimentation en eau et matières organiques) une quantité suffisante et bien déterminée de pièces de monnaie, de billets de banque, de titres ou de tout objet ayant une valeur au sens économique. Il faut que l'inventaire de ces objets soit très précis et très détaillé. Laissons ces objets vaquer à leurs occupation dans cette atmosphère favorable à leur reproduction pendant disons un an. Ensuite de quoi, observons si l'un quelconque de ces objets s'est reproduit.

La conclusion de l'expérience est sans appel : les pièces ne font pas des petits. C'est d'ailleurs ce qu'avait déjà constaté Aristote. L'Économie nie cette conclusion, selon elle, la raison n'est plus raison, le pyrrhonisme est sagesse et l'absurde est vérité.



La science économique n'a pas de base, pas de corps, pas de tête, il est impossible de la combattre efficacement en l'affrontant sur son propre terrain, c'est à dire en acceptant un cadre irrationnel qui est celui de l'exploitation, il faut au contraire lui opposer une connaissance plus respectueuse de l'homme et de la nature. Cependant, elle doit être étudiée, analysée et jugée en tant qu'histoire des coutumes, pratiques, traditions et routines les plus apparentes et les plus universellement accréditées de l'humanité, en ce qui concerne l'exploitation, le meurtre ou le génocide de l'homme par l'homme. Depuis qu'ils existent, les systèmes économiques concentrent les moyens de production dans les mains de quelques uns qui développent leurs propres réseaux de production et de distribution . Ce vol, perpétré au nom de la Sainte Économie depuis plus de 200 ans, a pour résultat aujourd'hui un monde où 850 millions de personnes souffrent de la faim, n'ayant pas les moyens matériels nécessaires à la satisfaction de leurs besoins vitaux, parce que d'autres se les sont appropriés pour leurs propres réseaux. Plus grave, les institutions internationales de l'économie mondiale (FMI, Banque mondiale) imposent à ces populations dépossédées, des réformes économiques draconiennes, visant au remboursement de leurs dettes. Les économistes accusent de leur propre crime, ceux qu'ils volent continûment depuis des siècles et leur réclament le remboursement d'une dette qui incarne l'absurdité d'un dogme qui affirme que les victimes doivent rembourser leurs bourreaux. Cette situation justifie amplement une révolution.

On ne peut pas affamer 850 millions de personnes sans essuyer un retour, tôt ou tard, que personne ne pourra empêcher. Ensuite, aux vues de l'ampleur de la tragédie qui se déroule fidèlement aux lois et principes de la science économique, du génocide planétaire qui tue un enfant toutes les trois secondes, on ne peut pas faire l'économie d'un jugement moral. Les responsables doivent reconnaître leurs crimes, leurs culpabilités dans ce massacre de tous les jours et tout faire pour le réparer même si on ne peut pas réparer un génocide. Il s'agit en premier lieu de reconnaître que la science économique a entériné le vol des travailleurs comme une loi inviolable qui lui sert de fondement, que ce vol a provoqué un appauvrissement continu de populations entières depuis plus de 200 ans, que cet appauvrissement n'est donc pas le résultat d'une « crise » temporaire d'un système que la science économique se propose déjà d'améliorer dans un nouveau Bretton Woods mais un effet permanent, essentiel et même fondamental à tout ce qui tient lieu de théorie dans le domaine de l'Économie.

Face à des grandes tragédies, il existe un devoir de mémoire et aussi un devoir de moral qui concerne tout le monde et qui est nécessaire pour que ces tragédies ne se reproduisent plus. Il s'agit de tirer, un peu comme dans les fables de Jean de La Fontaine, une moralité, des enseignements de ces tragédies qui nous sont contées par la mémoire, de comprendre comment elles se sont produites, d'analyser les processus qui ont conduit au désastre puis de juger des responsabilités de chacun et d'exiger de ceux-là, en premier lieu, la fin de leurs exactions et ensuite, des réparations. C'est ce qu'on a essayé de faire avec la Shoah, même si la responsabilité d'acteurs majeurs du génocide comme l'Église est encore niée ou occultée (**), c'est aussi ce qu'il faut faire avec l'Économie, parce que ce travail est nécessaire pour éviter que ne se fassent lyncher des gens qui n'y étaient pas pour grand chose et que d'autres passent à travers sans rendre aucun compte de toutes leurs exactions.


"Avant tout, ils demandent, coûte que coûte, la richesse, dont ils espèrent avoir leur part ; ils font bon marché de la vie, de la liberté, de l'intel­ligence des masses. Sous prétexte que telle est la loi économique, qu'ainsi le veut la fatalité des choses, ils sacrifient sans nul remords, l'humanité à Mammon. C'est par là que s'est signalée, dans sa lutte contre le socialisme, l'école économiste : que ce soit son crime et sa honte devant l'histoire."

 

 

 

(*)Le Capitalisme monopoliste d'État (revue Spartacus, n° 3, juillet-août 1976)

(**)De l'antisémitisme

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D
Bonjour,Cheminade l'avait dit! Aujourd'hui écoutez Cheminade!Je me permet de vous joindre le dernier article de Jacques Cheminade, le seul homme politique français, à avoir fait campagne pour un VRAI nouveau bretton woods depuis des années auprès des dirigeant de notre pays. Depuis quelques jours J. Cheminade déclare aussi:"Nous avons fait le bon diagnostic, en regardant la réalité en face l’hiver dernier. Maintenant, soutenez avec nous ces mesures : c’est le médecin qui fait le bon diagnostic qui rédige la meilleure ordonnance."David C.
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